Celui qui a été le symbole de la lutte contre la peine de mort et brièvement, celui de la réinsertion, est mort trois mois après avoir obtenu la suspension de sa peine pour motif médical.
Patrick Henry, qui a passé quarante ans en prison pour le meurtre d’un enfant en 1977, est mort dimanche 3 décembre, à 64 ans, des suites d’un cancer, selon des proches et son avocat, Hugo Levy.
Il avait obtenu, il y a trois mois, la suspension de sa peine pour motif médical.
L’homme avait été condamné en 1977 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de Philippe Bertrand, 7 ans.
Il avait échappé à la guillotine grâce notamment à la plaidoirie de son avocat d’alors, Robert Badinter.
Devenu le symbole de la lutte contre la peine de mort, il était ensuite, brièvement, devenu celui de la réinsertion.
Sa condamnation à perpétuité n’étant pas assortie d’une période de sûreté illimitée, Patrick Henry avait obtenu une libération conditionnelle en 2001. Mais dès l’année suivante, il fut arrêté pour un vol à l’étalage puis, en Espagne, avec près de 10 kg de cannabis.
Il était retourné derrière les barreaux.
Suspension de peine pour motif médical
Il avait depuis présenté, sans succès, plusieurs demandes de libération conditionnelle. Jusqu’à la dernière, en septembre, lorsqu’il a sollicité
une suspension de peine pour motif médical. Le parquet s’était dit favorable à sa demande, considérant que son état de santé était « durablement incompatible avec la détention ».
Le tribunal de l’application des peines de Melun avait notamment suivi l’avis des médecins qui avaient considéré que son état de santé était « durablement incompatible avec la détention ».
Ses proches « s’étaient réjouis de cette “dernière victoire sur les murs” et conjuraient avec lui sa brièveté », a dit à l’Agence France-Presse (AFP) Me Levy. « Depuis le 16 septembre, malgré la douleur physique et la lourdeur des soins, il a eu des moments de bonheur comme jamais il en a connu », a confié à une de ses amies à l’AFP Martine Veys.
➤ Lire :
La perpétuité réelle existe-t-elle en France ?
Source: Le Monde/Agence France-Presse/Reuters, 3 décembre 2017
Patrick Henry, mort d'un condamné à vie
Condamné à la perpétuité en 1977 pour le meurtre du petit Philippe Bertrand, sept ans, il avait échappé à la peine de mort quelques années avant son abrogation. Sorti de prison en septembre dernier pour raisons médicales, il est finalement mort d'un cancer à 64 ans.
Il fut à l'origine d'une des plus célèbres phrases de l'histoire de la télévision : "La France a peur". Prononcée par Roger Gicquel au lendemain de l'arrestation de Patrick Henry, qui sera condamné un an plus tard pour le meurtre d'un petit garçon qu'il avait préalablement enlevé pour réclamer une rançon. On connait moins la suite de cette phrase, où le journaliste esquissait déjà le débat qui allait déchirer la France pendant le procès : "nous avons peur, et c'est un sentiment qu'il faut déjà que nous combattions je crois. Parce qu'on voit bien qu'il débouche sur des envies folles de justice expéditive, de vengeance immédiate et directe. Et comme c'est difficile de ne pas céder à cette tentation, quand on imagine la mort atroce de cet enfant."
Car autant qu'un meurtrier condamné, en 1977, à la perpétuité, Patrick Henry aura été une étape symbolique et importante dans le combat de son avocat, Robert Badinter, qui fera abolir la peine de mort en tant que ministre de la Justice, en 1981.
Libération et retour en prison
Patrick Henry avait ensuite obtenu en 2001 une libération conditionnelle, avant d'être interpellé un an après dans une affaire de drogue, en possession de 10 kilos de cannabis.
C'est cette nouvelle affaire qui lui a valu de retourner derrière les barreaux (il a été condamné à quatre ans de prison, et sa libération conditionnelle a donc été révoquée).
Incarcéré pendant 40 ans et atteint d'un cancer sur la fin de sa vie, il avait finalement obtenu une suspension de peine pour motif médical.
Le tribunal de l'application des peines de Melun avait d'ailleurs suivi l'avis des médecins en considérant que son état de santé "était durablement incompatible avec la détention".
Il était sorti de prison en septembre dernier, avant de mourir ce dimanche à l'âge de 64 ans.
Source:
France Inter, 3 décembre 2017
Patrick Henry, un prisonnier condamné pour l’éternité
Le meurtrier est mort à 64 ans dimanche après avoir passé plus de quarante ans en prison. Coupable d’avoir tué, en 1976, un enfant de 7 ans, il avait échappé à la peine capitale grâce à Robert Badinter.
C’est donc à l’hôpital de Lille, un dimanche glacial de décembre, que la vie de Patrick Henry a pris fin. Après quarante ans d’une vie carcérale, légèrement éclaircie par une suspension de peine, le meurtrier du petit Philippe Bertrand s’est éteint à 64 ans, des suites d’un cancer foudroyant. A son chevet, Martine Veys, une amie de vingt-cinq ans, pour qui Patrick Henry était autre chose qu’un simple monstre.
Numéro d’écrou 8952, Patrick Henry incarnait tout un pan de l’histoire criminelle française. Le 17 février 1976, soir de la découverte du corps de Philippe Bertrand, 7 ans, dans une chambre d’hôtel louée par le natif de Troyes, le présentateur du JT, Roger Gicquel, introduit son édition par ces célèbres mots : «La France a peur.» Trois semaines plus tôt, Patrick Henry avait enlevé l’enfant, espérant obtenir une juteuse rançon. Le lendemain, il l’avait finalement étranglé, avant de dissimuler le corps frêle sous un lit.
A l’époque, la France appliquait encore la peine de mort, et ce n’est qu’à la grâce d’une plaidoirie sublime de l’un de ses deux avocats, un certain Robert Badinter, que Patrick Henry échappe à la peine capitale. Aux jurés, l’ex-garde des Sceaux avait lancé : «On abolira la peine de mort, et vous resterez seuls avec votre verdict, pour toujours.» Condamné à la perpétuité, Patrick Henry souligne la mansuétude de la cour d’assises de l’Aube. Au président, il rétorque, à propos du verdict : «Vous ne le regretterez pas !»
En 1992, à la prison de Caen, Patrick Henry rencontre Martine Veys. Ex-conseillère commerciale, elle devient administratrice de l’association Artec et anime un atelier d’imprimerie pour les détenus. «Le directeur m’avait prévenue : "Il y a Patrick Henry", racontait-elle à Libé il y a quelques mois. Je connaissais l’histoire, comme tout le monde, je l’avais lue dans les journaux. J’ai répondu : "Et alors ?"» Avec le temps, ils deviennent amis : «Je crois qu’il m’a apporté bien plus que ce que j’ai pu faire.» Lorsque Patrick Henry est transféré, au début des années 2000, ils se quittent, le cœur gros, mais restent en contact par téléphone ou lors de parloirs.
«Visage émacié»
En septembre, Patrick Henry réalise qu’il ne survivra pas à son cancer du poumon. Son avocat, Hugo Lévy, témoigne alors de la fulgurance de la maladie : «La première fois que j’ai rencontré Patrick Henry, au mois d’avril, il était très en forme. Aujourd’hui, c’est un homme qui pèse moins de 60 kilos. Il a le visage émacié de celui qui voit la mort s’approcher.» Ensemble, ils décident de déposer une requête en suspension de peine pour motif médical.
Après examen par le tribunal de l’application des peines de Melun, Patrick Henry est libéré. Et c’est tout naturellement vers Martine Veys qu’il se tourne à nouveau. Amie décidément précieuse, elle lui met gracieusement à disposition un appartement près du CHU de Lille. En outre, elle s’engage à lui octroyer 300 euros par mois, «en plus des versements sociaux et de retraite auxquels il a droit». En apprenant la nouvelle, une partie de l’opinion publique se déchaîne. Impensable qu’un assassin d’enfant meure libre et entouré…
«Dégringolade»
Durant quarante ans, le «détenu modèle» a occupé son temps à lire et étudier. Il a obtenu son baccalauréat série C en 1985, puis un DUT en techniques informatiques de gestion et une licence de mathématiques. C’est ainsi qu’il a pu trouver un contrat chez un imprimeur lors de sa libération conditionnelle en 2001, l’une des premières accordées en France par des magistrats, et non par le ministère de la Justice. Martine Veys se souvient de ce soir où il l’a invitée à dîner. «Je lui disais : "Tu ne te rends pas compte de la haine que véhicule ton nom". Il me répondait : "J’ai payé ma dette", "j’ai fait mon temps", "ça va aller".»
La liberté, Patrick Henry n’y goûtera que seize mois. En Espagne, il se fait pincer avec 9,7 kilos de haschich achetés au Maroc. Symbole déchu de la réinsertion, il racontera à Martine Veys, en larmes au parloir de Val-de-Reuil (Eure), ce qu’il appelait alors sa «dégringolade» : les réactions violentes lorsqu’il révélait son identité, une vie solitaire dans un appartement aux volets fermés, la peur des représailles. Un trouble lancinant et insoluble, qui fera dire à Martine Veys : «Finalement, Patrick était beaucoup plus emprisonné dehors qu’en prison.»
Source:
Libération, Willy Le Devin, 3 décembre 2017
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