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Communist Vietnam's secret death penalty conveyor belt: How country trails only China and Iran for 'astonishing' number of executions

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Prisoners are dragged from their cells at 4am without warning to be given a lethal injection Vietnam's use of the death penalty has been thrust into the spotlight after a real estate tycoon was on Thursday sentenced to be executed in one of the biggest corruption cases in the country's history. Truong My Lan, a businesswoman who chaired a sprawling company that developed luxury apartments, hotels, offices and shopping malls, was arrested in 2022.

Le Pull-Over rouge : L'affaire Christian Ranucci

Christian Ranucci
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Le procès médiatisé de Christian Ranucci — né le 6 avril 1954 à Avignon et mort le 28 juillet 1976 (à 22 ans) à Marseille — s'est conclu par la condamnation à mort et l'exécution par décapitation de celui-ci aux Baumettes pour l'enlèvement et le meurtre, le 3 juin 1974, de la petite Marie-Dolorès Rambla, âgée de huit ans.

Il est le premier condamné à mort guillotiné sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing et l'antépénultième en France. 

En 1978, un livre, intitulé Le Pull-Over rouge, est publié sur l'affaire par l'écrivain et journaliste Gilles Perrault, faisant émerger une polémique concernant sa culpabilité. Plusieurs ouvrages reprennent par la suite la thèse de l'innocence de Ranucci et de l'erreur judiciaire, tandis que d'autres ouvrages et articles cherchent au contraire à démontrer sa culpabilité, en s'appuyant notamment sur les éléments matériels rassemblés contre lui. Paul Lombard, l'un des avocats de Ranucci à l'époque, soutient la thèse de son innocence. Jean-François Le Forsonney s'est quant à lui impliqué dans le mouvement pour la révision du procès Ranucci.

Un comité de soutien est fondé en 1979 afin d'obtenir la révision du procès Ranucci. Trois demandes ont été déposées dans ce sens, mais ont fait l'objet de rejets successifs (en 1979, 1987 et 1991). 

Christian Ranucci, vingt-deux ans, a été guillotiné le 28 juillet 1976 à 4 h 13 dans la cour de la prison des Baumettes. Etait-il coupable ou innocent ? Dans Le Pull-Over rouge, qui apporte une pièce importante au dossier de la peine de mort, on retrouve les remarquables qualités des célèbres ouvrages de Gilles Perrault...


Extraits 


ON l'avait enfermé dans une cellule du quartier des condamnés à mort, tout au fond des Baumettes, dans l'aile droite du dernier bloc. Côté couloir, la cellule se présentait comme une cage à gros barreaux, ce qui permettait la surveillance permanente du condamné, conformément au règlement. Deux gardiens étaient assis jour et nuit derrière une table placée face à la grille. L'intérieur de la cellule était aménagé de manière à ce que le prisonnier ne fût jamais-hors de vue. A droite en entrant, un cabinet à la turque. A gauche, une table et un tabouret en ciment. La paillasse était au fond, le long du mur de gauche. Il n'y avait pas de fenêtre. Une ampoule électrique fonctionnait en permanence. La nuit, elle était insuffisante pour lire mais trop forte pour que Christian pût dormir. Le directeur, auquel s'étaient plaints les avocats, leur avait rappelé la règle formelle : une cellule de condamné à mort doit être éclairée jour et nuit, et suffisamment pour permettre une surveillance attentive. Au moment de se coucher, Christian étalait donc des journaux sur les barreaux supérieurs de sa cage de manière à atténuer l'éclat de l'ampoule. Il était vêtu d'une tenue grise de l'administration pénitentiaire.

« Quelques personnes m'ont dit qu'innocent ou non, j'aurais dû avouer, que j'aurais eu la vie sauve. Au procès aussi, ils m'ont reproché de ne pas avoir avoué. Je ne pouvais quand même pas avouer si je n'ai rien fait. « Je préfère mourir innocent que d'avouer un crime que je n'ai pas commis. « J'ai ma conscience pour moi. Mais tu sais, Maman, je suis fatigué. C'est trop injuste, depuis trop longtemps. Je pense constamment à toi et au temps passé. Baisers affectueux. Christian. » 

C'était aussi dans le temps passé que sa mère cherchait un refuge contre l'angoisse. Elle lui écrivait le même jour : « A vingt et une heures tous les soirs, prions ensemble. Que Dieu nous entende ! Mon enfant bien-aimé, pensons à ta petite vie d'avant tes vingt ans. Que Dieu te rende justice ! » 

La salle d'audience du procès de Christian Ranucci à Aix-en-Provence, le 10 mars 1976.
Elle allait aux Baumettes trois fois par semaine pour une visite d'une demi-heure. Sa santé n'était pas bonne. Une angine qui n'en finissait pas. Le directeur avait refusé de regrouper deux parloirs en un seul, d'une heure. Elle écrivait pratiquement chaque jour et, à mesure qu'on avancerait vers l'été, collerait sur ses lettres des pétales de fleurs, jonchée lumineuse et gaie contrastant étrangement avec la longue et sourde plainte des phrases tracées d'une main fébrile. Elle écrivait aussi à tous ceux qui lui semblaient pouvoir offrir une aide ou une espérance. Le pape lui fit envoyer un chapelet bénit qu'elle aspergea d'eau de Lourdes. 

Le 6 avril, Christian eut vingt-deux ans. Elle reçut ce jour-là une longue lettre : « Maman chérie, heureusement que je reçois tes visites chaque semaine, et aussi celles des avocats. Du matin au soir, les journées sont interminables. Ce sont toujours les mêmes idées qui viennent et reviennent sans cesse. Je ne comprends toujours pas pourquoi ils m'ont condamné. Ils m'avaient l'air d'être des gens sensés et pourtant ils n'ont pas hésité, pour je ne sais quelle raison, à me condamner en faisant abstraction des témoignages, des faits établis, de la personnalité de celui qu'on accusait, à négliger le bon sens le plus élémentaire. « D'ailleurs, qu'importent les preuves de mon innocence, car même sans elles, il suffisait de se donner la peine de connaître mon passé et mon caractère pour mesurer combien, dans ce sordide assassinat, le seul soupçon est sot et grotesque. « Je ne comprends pas, les idées tournent et retournent comme moi dans la cage où je suis. Aujourd'hui, je n'ai plus rien à perdre, ils m'ont volé ma vie et mon honneur et je vais peut-être mourir. Alors il faut que toi, ma mère, la seule famille que j'aie au monde, tu saches bien que si je meurs, je mourrai innocent. « Toi, tu me fais confiance, tu sais que je t'ai toujours dit la vérité, je n'ai tué personne ni même jamais nui à quiconque. D'ailleurs, si j'avais eu quelque chose à me reprocher, je te l'aurais dit puisque maintenant tout est fini. Nous savons bien tous deux, les avocats et toutes les personnes qui ont vu le coupable, que je n'ai rien à voir avec cette douloureuse affaire. Mais je t'en prie, toi qui es dehors, dis à tous ceux que tu vois que je suis innocent. « J'ai envie de hurler mais personne ne veut m'écouter car tout le monde s'en fout. En France, on vous condamne un innocent à mort et ça laisse indifférent. Il n'y a que parmi ceux qui savent, parmi la famille, parmi les amis et connaissances, que l'on s'indigne. Comme nos amis étrangers qui ont écrit : « Nous avons honte d'un tel verdict, nous avons honte « pour les Français. » Tout le reste s'en fout. « Je ne t'ai pas dit dans quelles conditions l'on me fait vivre ici. Je vais te le dire. On est correct mais j'ai l'impression d'être un animal. Je suis surveillé jour et nuit sans arrêt, quoi que je fasse. Seul mais toujours observé. Tu ne peux pas savoir ce que c'est d'être en permanence dans cette sorte de cage sans fenêtre et toujours éclairée. Où je suis obligé de tout faire en public (toujours deux ou trois gardiens). Où je n'ai ni fourchette ni couteau, où même pour la viande, je n'ai qu'une cuiller. « Je vois le soleil une fois par jour dans une cage un peu plus grande où je tourne en rond. La première fois que maîtres Lombard et Le Forsonney sont venus me voir, je me suis senti gêné de devoir leur serrer la main car désormais je suis enchaîné dès que je sors de la cage. Que craignent-ils ? Pourquoi cette mise en scène avilissante ? Le plus insupportable, c'est cette solitude silencieuse, c'est de ne parler à personne. « Leur dernière trouvaille, que l'on me destine, c'est l'installation d'une petite caméra de T.V. Comme pour un sujet d'expérience qu'on espionne. C'est pire que tout. C'est à devenir fou. Je ne peux même pas allumer une cigarette seul (on me prête mon briquet) ni me raser moi-même. Qu'est-ce que j'ai fait pour être traité pareillement ? Qu'est-ce que j'ai fait pour être là ? Qu'est-ce que j'ai fait pour être condamné ? « Le principal est qu'il me reste ma conscience pour moi et que tu saches que tu n'as pas à rougir de ton fils car il n'a rien à se reprocher. Dis à tous ceux qui ont écrit qu'ils ont raison de m'accorder leur confiance, que je suis innocent. Un jour, la vérité se saura. On comprendra alors ce que j'ai enduré. « Je pense à toi. Affectueux baisers. Ton fils Christian. »

La prison des Baumettes dans les années 70La routine régna bientôt dans la cage de transit, puisqu'elle s'installe partout. Il lisait chaque matin Le Figaro; chaque semaine Paris-Match; chaque mois Yatching, L'Automobile et Science et Vie. La bibliothèque lui fournit des lectures de plus longue haleine ; il découvrit Jean-Jacques Rousseau avec les Rêveries du promeneur solitaire. Il écoutait aussi la radio ; lorsque son poste à transistors tomba en panne, on lui permit de le remplacer par un autre. Il mangeait avec appétit, reprenant plusieurs fois de chaque plat : la tradition pénitentiaire assure aux condamnés à mort un régime copieux. Chaque jour, on le faisait sortir de sa cellule pour le mener dans une cour minuscule entourée de hauts murs. C'était la promenade réglementaire. Jean-François Le Forsonney, qui allait souvent le voir à l'heure de cette promenade, en avait chaque fois le coeur serré. La cour était si profonde — l'avocat l'appelait « la fosse aux lions » — qu'un unique rayon de soleil parvenait à s'y faufiler. Christian était toujours le dos au mur, les yeux fermés, offrant son torse nu au rayon de soleil et progressant avec lui pour ne point perdre sa chaleur. On eût dit qu'il attendait la salve d'un peloton d'exécution.

Christian nota sur son agenda, à la date du 17 juin : « Radio, 22 h 30 : cassation refusée. Ils ont eu tort. » Entre l'échafaud et lui, il n'y avait plus que la grâce présidentielle.

Elle paraissait acquise. Sans doute avait-on entendu récemment une nouvelle déclaration officielle en faveur de la peine de mort, mais c'était l'aboiement machinal de M. Lecanuet. Quant à M. Giscard d'Estaing, il venait, trois semaines plus tôt, de prendre position sur le problème au cours d'une conférence de presse. « Pour ce qui est de la peine de mort, avait-il dit le 22 avril, je souhaite que la communauté nationale française, et donc son législateur, se saisissent, le moment venu, de ce problème. Naturellement, il ne convient sans doute pas de le faire à un moment où la situation de violence, et en particulier de certaines violences inadmissibles, rend la société française extraordinairement sensibilisée à ce problème. « Parmi les violences inadmissibles que je citerai, il y a deux cas, d'une part, celui des rapts prémédités d'enfants comportant pour eux la quasi-certitude de la mort, et ceci par un calcul d'intérêt, et c'est, d'autre part, le cas de ceux qui, avec un acharnement inhumain, s'attaquent à des personnes âgées isolées en ayant préparé leur agression pour leur soustraire leurs malheureuses ressources. » 

Cette déclaration indiquait que le président se sentait désormais en mesure de surmonter l' « aversion profonde » qu'avait éprouvée le candidat à l'égard de la peine de mort, et beaucoup trouvaient de la redondance à prévoir l'application du châtiment suprême dans les deux seuls cas où il risquait d'être demandé par les jurés, mais enfin la déclaration présidentielle ouvrait à Christian Ranucci les portes de la vie. Personne n'avait jamais prétendu que l'enlèvement pour lequel on l'avait condamné eût comporté dès le départ la « quasi-certitude » de la mort de l'enfant — le sentiment contraire s'était même imposé --, et surtout le « calcul d'intérêt » faisait totalement défaut. D'évidence, le président avait en tête l'inculpé de Troyes [Patrick Henry] et non le condamné de Marseille. Paul Lombard avait d'ailleurs lancé aux jurés d'Aix : « Si vous jugez Ranucci coupable et si vous le condamnez à mort, lui qui en tout état de cause n'aurait pas enlevé l'enfant pour monnayer sa vie, que ferez-vous à ceux dont les motivations sont bassement matérielles ? Vous les couperez en trois, en quatre ?... » Deux cas de « violences inadmissibles » : Christian ne se rangeait ni dans l'un ni dans l'autre. 

Valéry Giscard d'EstaingDes observateurs rassis tenaient cependant qu'une grâce présidentielle est aussi un acte politique et que le climat n'était pas favorable à la clémence. La majorité venait de subir une défaite aux élections cantonales. La cote présidentielle était en baisse. Beaucoup de ses électeurs semblaient reprocher à M. Valéry Giscard d'Estaing un libéralisme trop avancé. D'autre part, le pourvoi en cassation d'un autre condamné à mort venait d'être rejeté et l'homme attendait lui aussi la décision élyséenne. Il avait tué une femme de quatre-vingt-trois ans pour lui voler ses économies. C'était l'un des deux cas de « violences inadmissibles ». Mais le criminel était un ancien harki et les agitations et revendications des anciens harkis faisaient justement problème.. L'exécution de l'un des leurs n'arrangerait rien. Elle irriterait les rapatriés d'Algérie, qui proclamaient leur solidarité et dont le poids électoral était évident. Christian Ranucci ne représentait que lui-même et n'était soutenu par personne. L'éventualité de sa mort prochaine ne l'effleurait toujours pas. 

Le 18 juin, Paul Lombard lui avait envoyé un télégramme : « Pourvoi malheureusement rejeté gardez espoir nous arriverons à faire triompher la vérité et à ce que justice soit rendue déposons recours en grâce viendrai matinée ou après-midi courage. » Christian avait jeté quelques notes sur le papier pour préparer l'entrevue avec ses avocats. Il ne s'éprouvait pas en posture de suppliant. « Demanderai non pas ma grâce, écrivait-il, mais ma mise en liberté immédiate. » Selon lui, il fallait proposer au président « un marché à l'amiable » : « Mon innocence doit influer sur l'homme et votre menace d'en appeler à l'opinion publique doit influer sur sa raison. Bien insister que, de mon côté, je respecterai mes engagements : me taire, ne pas informer l'opinion publique, ne pas engager de procédures, et disparaître à l'étranger contre ma liberté, ma réhabilitation. » Il acceptait en effet de renoncer à sa vengeance « pour le bien de la Justice et éviter un scandale ». Sa position de force lui paraissait si évidente qu'il avait conscience d'être généreux envers le président en lui permettant de faire l'économie d'un bien fâcheux scandale. 

Le Pull-Over rouge, de Gilles PerraultLe 20 juin, il écrivit à sa mère : « Je sais combien cette épreuve injuste est cruelle à supporter, mais ne désespère pas. Nous arriverons à obtenir justice. Ceux qui veulent se débarrasser de moi, croyant se mettre à l'abri, ne peuvent pas gagner... Il faut lutter. A ces charognards qui suent le crime et la peur d'être découverts, opposons la sérénité de l'innocence et notre mépris. Nous vaincrons. » 

A la mi-juillet, le président de la République se rendit à Toulon pour passer en revue la flotte de guerre. Héloïse Mathan découpa les abondants reportages photographiques publiés à cette occasion dans la presse régionale et, conformément à sa demande, les envoya à son fils, qui avait toujours éprouvé pour M. Giscard d'Estaing un intérêt admiratif. Au parloir suivant, Christian lui parla longuement de cette manifestation et l'exhorta à ne se faire aucun souci : le président avait un visage « bon et humain ».

Ses avocats étaient convoqués la semaine suivante à l'Elysée.

Jean-François Le Forsonney ne fut pas du voyage à Paris. Maître Lombard lui avait expliqué que le président de la République ne recevait jamais qu'un seul défenseur. Lorsque le jeune avocat apprit, beaucoup plus tard, que ce n'était pas exact, il ressentit de la perplexité. Essentiellement modeste, il ne pensait pas à la vertu décisive de son éloquence (et s'agissait-il encore d'éloquence ?) mais il croyait que sa jeunesse aurait peut-être été un argument silencieux plus fort que tous les mots en rappelant au président que le garçon dont il allait fixer le sort avait tout juste vingt-deux ans. 

Paul Lombard fut reçu à l'Elysée le 21 juillet au milieu de l'après-midi. Il appela ensuite son collaborateur : « J'en sors. Impénétrable. Il connaissait très bien le dossier. J'ai plutôt bonne impression. » Le soir, maître Lombard alla dîner chez un ami, près de Paris. Il avait quelque peu sollicité l'invitation car son hôte était un intime du président de la République. On lui prodigua l'apaisement. En le raccompagnant à sa voiture, l'ami lui dit encore : « Ne t'inquiète pas. Il faudrait vraiment qu'on kidnappe un gosse demain... » L'avocat démarra et ouvrit son autoradio. Un flash d'information le pétrifia sur son siège : on venait d'enlever un garçon de huit ans au Pradet, à quelques kilomètres de Toulon.

Le lendemain après-midi, Jean-François Le Forsonney alla chercher Paul Lombard à l'aérodrome de Marignane. Deux journalistes les abordèrent sur le chemin du parc de stationnement en leur demandant avec un grand sourire : « Alors, vous savez la nouvelle ? -- Quelle nouvelle ? - Mais... vous êtes bien les avocats de Ranucci ? Oui... - Eh bien, il est gracié ! On vient de l'annoncer ! » Les avocats se ruèrent sur les cabines téléphoniques de l'aérogare. Paul Lombard voulait appeler la chancellerie, à Paris, mais retournait en vain ses poches pour rassembler la monnaie nécessaire. A côté de lui, Jean-François Le Forsonney appela le cabinet du cours Pierre-Puget. Une secrétaire surexcitée lui cria : « Venez vite ! Il est gracié ! Ça téléphone de partout ! Mme Mathon est déjà là, folle de joie... » Ils rentrèrent à Marseille à tombeau ouvert. Tous les collaborateurs du cabinet étaient au balcon pour les accueillir. Héloïse pleurait de bonheur. La grâce avait été annoncée par FR3 et Radio Monte-Carlo. Les avocats étant attendus par de nombreux clients, ils dirent à la mère qui riait dans ses larmes : « Ne partez pas : on va dîner tous ensemble pour fêter ça. » Elle s'installa dans un coin. Depuis le temps qu'elle venait cours Pierre-Puget, elle y avait connu de si longues heures d'attente et d'angoisse qu'elle n'en aurait pas pu faire le compte.

Jean-François Le Forsonney
Le cauchemar était terminé. Jean-François Le Forsonney était submergé d'appels téléphoniques. Ses parents, très émus, lui parlèrent longuement. Puis sa secrétaire le prévint que le parquet général d'Aix l'appelait et il eut au bout du fil un substitut qui lui demanda d'une voix glaciale : « Qu'est-ce que c'est que cette histoire de fou ? Quelle histoire ? La grâce ! La chancellerie nous demande une explication. Nous savons que le président n'a pas encore fait connaître sa décision, alors pouvez-vous me dire comment il se fait que l'annonce de la grâce est diffusée partout ? » Stupéfait, l'avocat répondit qu'il ne pouvait fournir aucune explication : son confrère Lombard et lui-même avaient appris la nouvelle comme tout le monde, c'est-à-dire par les journalistes. Le scepticisme du substitut fut si peu dissimulé que maître Le Forsonney comprit tout à coup qu'on les soupçonnait d'avoir sciemment lancé la fausse nouvelle pour forcer la main présidentielle. A peine avait-il raccroché que sa secrétaire lui passait une journaliste de FR 3. Il eut au bout du fil une interlocutrice effondrée : « Nous sommes terriblement désolés, dit-elle, il y a eu confusion entre deux dépêches. Nous allons faire passer un démenti aux informations régionales, tout à l'heure. Excusez-nous... »

Titubant sous le choc, l'avocat rejoignit Héloïse Mathon, qui l'accueillit avec un sourire radieux. Il se jeta à l'eau : « La télé vient de m'appeler. Il paraît que ce serait une fausse nouvelle. Enfin, prématurée. Mais ne vous inquiétez pas : ça va s'arranger. » Ils passèrent dans le bureau de maître Lombard. La pauvre mère, foudroyée, était dans l'hébétude. Paul Lombard lui dicta les termes d'un télégramme à l'Elysée. C'était une ultime supplication. Puis elle partit seule prendre son train pour Toulon. Elle avait vu Christian l'après-midi même, avant de se rendre cours Pierre-Puget. Il lui était apparu fatigué, triste, et n'avait pas une seule fois souri. En le quittant, elle lui avait dit : « A mercredi... »

Sachant la décision imminente, la rédaction parisienne de l'A.F.P. avait commandé à un journaliste marseillais deux articles résumant l'affaire Ranucci. L'un devait être rédigé comme si la grâce venait d'être accordée ; l'autre, dans l'optique inverse. Le journaliste avait envoyé ses articles par télex mais un hasard malencontreux avait fait que le télex était branché sur FR 3 et sur Radio Monte-Carlo lorsque l'article annonçant la grâce était passé.

Alain Dugrand, de Libération, rencontra un avocat marseillais qui lui dit : « Ranucci va être exécuté. Le parquet a demandé à un juge d'instruction de laisser son numéro de téléphone personnel. »

Christian Ranucci sut par ses gardiens l'annonce de la grâce et le démenti ultérieur.

Le lendemain matin, 27 juillet, Rouge annonça, sous le titre « Une mort au petit matin » : « A l'heure où sortira ce journal, à l'heure où vous l'aurez entre les mains, un homme sera peut-être mort, exécuté par décapitation... Nous sommes horrifiés devant la perspective d'un tel assassinat, censé en venger un autre, aussi horrible était-il. » Libération avertissait ses lecteurs de l'imminence du dénouement.

Source: Le Pull-Over rouge, Gilles Perrault. Ouvrage disponible en Poche: 468 pages. Editeur : Le Livre de Poche; Édition : Le Livre de Poche (1980). Collection : Littérature & Documents. Langue : Français. ISBN-10: 2253025437. ISBN-13: 978-2253025436. Nota Bene : Les liens commerciaux inclus dans cet article sont fournis à titre indicatif, sans visée lucrative.

➤ En savoir plus :

- L'Affaire Ranucci sur Wikipédia ou sur Google.
Dossier Ranucci : Peut-on douter ?
- Le Pull-Over rouge, un film de Michel Drach (1979), avec Serge Avédikian, Roland Bertin, Michelle Marquais. Durée : 2h00.


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"One is absolutely sickened, not by the crimes that the wicked have committed,
but by the punishments that the good have inflicted." -- Oscar Wilde

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